Mc 12,1-12 PARABOLE DES VIGNERONS MEURTRIERS

Publié le par GITANS EN EGLISE

Mc 12,1-12  PARABOLE DES VIGNERONS MEURTRIERS

( voir aussi Matthieu 21,33-46  et Luc 20,9-19 )

Dans cechapitre 12, Marc a regroupé des discussions qui opposent Jésus et ses adversaires. Elles sont encadrées par une parabole qui parle du rejet dont Jésus est l’objet, et par une scène qui laisse voir quels auditeurs accueilleront le Christ. Jésus dit cette parabole face aux autorités religieuses : chefs des prêtres, scribes et anciens, chefs des juifs. Son but est de mettre à nu les desseins meurtriers de ses interlocuteurs, et ceux-ci, du reste, comprennent fort bien qu’ils sont visés (cf. v.12).

v. 1 : « Jésus se mit à parler en paraboles : “Un homme planta une vigne, il l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et y bâtit une tour de garde. Puis il la donna en fermage à des vignerons, et partit en voyage ».

L’image de la « vigne », dès la première phrase de la parabole, s’inspire des prophètes Isaïe (ch. 5,1-2) et Osée (Ch.10,1) : « Mon bien-aimé avait une vigne sur un coteau fertile. Il en travailla la terre, ôta les pierres, et y planta un cépage de choix ; il bâtit une tour au milieu d’elle, il y creusa aussi un pressoir… » ; « Israël était une vigne luxuriante, il produisait du fruit… ». Mais en Isaïe comme en Osée, la vigne finalement ne donne plus ce qu’elle promettait, par négligence et désintérêt des vignerons choisis pour s’en occuper. Derrière cette image, les prophètes accusent directement les responsables du peuple, les chefs spirituels d’Israël.

Cette parabole devient chez Marc, une véritable allégorie où chaque détail a sa signification propre (cf. Mc 4,2.13) :

Un homme planta une vigne. Dieu fait tout ce qu’il faut pour sa vigne : il l’organise, en prend soin, la protège, la confie à des professionnels et attend patiemment d’en récolter les fruits. Il s’agit d’une parabole où Jésus part de ce qui se vit couramment à son époque ; il n’hésite pas à présenter Dieu comme un riche propriétaire, non pour cautionner le système social existant, mais pour se faire comprendre. Le maître de la vigne, Dieu, est d’ailleurs présenté ici non comme un patron exigeant, mais comme celui qui a tout fait pour que sa vigne donne du travail, un travail qui valorise les vignerons, en le faisant vivre lui-même.

La vigne, c’est le peuple.

La cuve-pressoir, en bas, doit recevoir la récolte. La tour, en haut doit servir à la protéger. La clôture distingue ce lieu de production de l’extérieur. Tout est fait pour que la vigne produise et produise bien.

Les vignerons, ce sont les chefs du peuple. Que vont-ils faire ?

v. 2 : « Le moment venu, il envoya son serviteur auprès des vignerons pour se faire remettre par ceux-ci ce qui lui revenait du produit de la vigne ».

Au moment de la récolte, le maître de la vigne, qui a fait confiance tout au long de l’année à ses vignerons, vient chercher la part qui lui revient. Pas de contrôle tatillon, pas de suspicion : il respecte pleinement les responsabilités de chacun avec une totale confiance.

v. 3 : « Mais les vignerons se saisirent du serviteur, le frappèrent, et le renvoyèrent sans rien lui donner. »

Réaction surprenante et inattendue ! Après tout ce que le maître avait fait pour eux ! Ce n’est ni plus, ni moins, qu’une description de l’histoire d’Israël ! Après tout ce que Dieu a fait pour le libérer, le protéger, le nourrir… c’est l’infidélité, l’ingratitude…

Le « serviteur frappé, renvoyé », ce sont les prophètes d’Israël qui, tout au long de l’histoire, n’ont cessé de rappeler les exigences de l’Alliance, et qui ont été rejeté, mis à mort… Marc l’a bien montré pour Jean le Baptiste (Mc 6,14-29). Pourtant Dieu est toujours prêt à refaire confiance, à redonner son amour, à pardonner…

v. 4 : « De nouveau, il leur envoya un autre serviteur ; et celui-là, ils l’assommèrent et l’insultèrent ».

v. 5 : « Il en envoya encore un autre, et celui-là, ils le tuèrent ; puis beaucoup d’autres serviteurs : ils frappèrent les uns et tuèrent les autres. »

v. 6 : « Il lui restait encore quelqu’un : son fils bien-aimé. Il l’envoya vers eux en dernier. Il se disait : « Ils respecteront mon fils ».

Le récit est de plus en plus invraisemblable ! Est-ce possible ! L’adjectif « bien-aimé » précise bien le sens de cette parabole : c’est cette expression qui est utilisée pour désigner Jésus par la voix céleste au baptême et à la transfiguration (Mc 1,11 ; 9,7).

Le « fils », c’est Jésus ! L’enseignement est clair, à la veille de la Passion. À travers cette parabole, Marc montre quelle conscience a maintenant Jésus de ce qu’il est et de ce qu’il fait : il est le « Fils bien-aimé », envoyé en dernier après tous les prophètes. Il annonce lucidement le sort qui l’attend et il y va. Il ne se dérobe pas.

Cet envoi du fils unique constitue la vraie réponse de Jésus à la question de ses adversaires : « Par quelle autorité fais-tu cela ?

v. 7 : « Mais ces vignerons-là se dirent entre eux : “Voici l’héritier : allons–y ! Tuons-le, et l’héritage va être à nous ».

v. 8 : « Ils se saisirent de lui, le tuèrent, et le jetèrent hors de la vigne ».

Ce passage donne un éclairage pascal à la parabole. Jésus sera mis à mort, tué, hors de la ville. À la suite de nombreux prophètes, il a été envoyé par son Père, mais il n’a pas été reçu. Sa mort violente n’a pas été le terme de sa mission. Rejeté, il est devenu par sa résurrection, la pierre angulaire qui tient tout l’édifice (v. 10).

C’est parfois tentant de garder pour nous « les biens que Dieu nous a confiés en fermage », les fruits de notre travail… Garder jalousement pour soi les choses reçues conduit facilement à la violence, à la jalousie, à l’envie. Savoir reconnaître ce qui nous est confié, ce qui nous vient de Dieu. Et laisser la porte et la table ouvertes…

v. 9 : « Que fera le maître de la vigne ? Il viendra, fera périr les vignerons et donnera la vigne à d’autres ».

Jésus introduit une question au cœur de la parabole. Il voulait d’abord en venir à cette condamnation des chefs d’Israël : la vigne leur sera enlevée ; elle sera confiée à d’autres vignerons (les apôtres et leurs successeurs) qui l’ouvriront à toutes les nations (11,17).

v. 10 : « N’avez-vous pas lu ce passage de l’Écriture ? La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre angulaire. »

v. 11 : « C’est là l’œuvre du Seigneur, une merveille sous nos yeux ».

En guise d’épilogue, Jésus ajoute une citation du Psaume 119(118),22-23, annonçant le renversement de la situation qui se produira par la mort et la résurrection du Christ. Pensant se débarrasser de Jésus et réduire à néant son œuvre, les chefs spirituels de la nation juive vont au contraire réaliser le dessein déconcertant de Dieu, qui va mettre au faîte de sa maison, la pierre qu’avaient rejetée les bâtisseurs.

Cette citation du Psaume 119 exprime la conviction des premiers croyants qu’avec Jésus un peuple nouveau est en train de naître. Jésus est la « pierre d’angle », sur laquelle leur communauté peut s’appuyer et se construire solidement.

v. 12 : « Les chefs des Juifs cherchaient à arrêter Jésus, mais ils eurent peur de la foule. (Ils avaient bien compris que c’était pour eux qu’il avait dit cette parabole). Ils le laissèrent donc et s’en allèrent. »

Jésus n’a pas peur de défier des interlocuteurs qui avaient tendance à se croire les possesseurs du don de Dieu. Il a compris et accepté que sa mission le conduise à une mort qui débouche sur sa résurrection. Nous sommes en plein mystère pascal. Et c’est lui qui maîtrise les événements : « Mon “heure” n’est pas encore venue » Jean 2,4.

Relire cette parabole aujourd’hui, à la lumière de Vatican II

La vigne, c’est le monde d’aujourd’hui à construire. Il appartient au Seigneur, mais il a été confié par lui à tous les hommes qui en sont les vignerons.

Le fruit de la vigne, c’est l’homme tel que Dieu le veut, cet homme qu’il aime. Or, que fait notre société pour que l’homme soit vraiment un homme ? Est-il ouvert en permanence aux appels de la vérité, de la justice et de la fraternité ? Quel souci a-t-elle de l’homme, qui vaut plus que toute chose ? Quelle est sa manière de juger la culture, l’économie, la politique ?

Les serviteurs, ces messagers de Dieu qu’on appelle les signes des temps. Par exemple, l’agitation causée par une société qui se construit mal, où l’homme est réduit à sa fonction de producteur et de consommateur. Et bien d’autres faits encore, qui devraient nous alerter : mépris des pauvres, escalade de l’érotisme, contestation généralisée.

Le fils bien-aimé, c’est le signe donné en dernier, et le plus signifiant : l’homme que l’on tue, avec qui le Christ est absolument solidaire. Tant d’avertissements tout semblables à ce que fut la mort de Jésus : guerres et massacres, tortures policières, situations de misère…

Que fera le maître ? Une société qui se ferme à l’évangile doit périr. Tôt ou tard. Soit par la violence. Soit par la décadence. Soit par les deux. C’est ce que montre toute l’histoire où Dieu exerce son jugement, car l’Évangile ne fait que révéler la manière, que Dieu seul connaît, selon laquelle l’homme doit vivre pour être vraiment un homme.

La vigne à d’autres. Quels sont ces « autres » que Dieu peut susciter ? Quelle autre société qui, elle, recevra mieux l’Évangile de Jésus ? En quels autres continents ? En quels peuples ? Avec quels hommes ? L’Occident chrétien ne sera-t-il pas, un jour, dépossédé de sa mission ?

Jésus, en son temps, s’adressait à ses concitoyens. C’était contre eux qu’il avait dit la parabole. Les premiers chrétiens en ont vu l’accomplissement !

Publié dans MARC

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