Mc 2,23-28 LES ÉPIS ARRACHÉS LE JOUR DU SABBAT

Publié le par GITANS EN EGLISE

Mc 2,23-28  LES ÉPIS ARRACHÉS LE JOUR DU SABBAT

 

( voir aussi Matthieu 12,1-8 et Luc 6,1-5 )

 

                        Le sabbat, jour de repos absolu consacré à Dieu (Ex 20,8-11), est tout particulièrement surveillé avec ses 39 activités interdites ! Or, « arracher des épis dans un champ », c’est moissonner ! (Ex 34,21). Voilà l’objet de la quatrième controverse : cet affrontement au sujet du « sabbat » (le mot revient 5 fois !) ne sera pas le dernier !

            Pour Jésus, l’homme est premier ! Il s’agit donc de lui rendre toute sa liberté. La loi est au service de l’homme, non l’inverse (v.27) : Cette phrase de Jésus ne se trouve qu’en Marc : « Le sabbat a été fait pour l’homme, non l’homme pour le sabbat ». Radicale contestation qui bouscule l’autorité morale de son temps. Si le jour de repos libère l’homme des tâches quotidiennes, ce n’est pas pour l’écraser par de nouvelles obligations ! Le sabbat est autre chose que l’absence de travail et la soumission à mille interdits ! Une ère nouvelle commence, ouverte à contre-courant par Jésus.

            Du sabbat juif au dimanche chrétien. Très vite après la résurrection de Jésus, les chrétiens se réunirent « le premier jour de la semaine » (1 Co 16,2 ; Ac 20,7), que Jean appellera « le jour du Seigneur » (Ap 1,10), pour célébrer non plus le repos du septième jour, mais la résurrection de Jésus (Mc 16,2), et fêter ainsi le “salut” qui remet l’homme debout dans une attitude librement consentie.

            v. 23 : « Un jour de sabbat, Jésus marchait à travers les champs de blé ; et ses disciples, chemin faisant, se mirent à arracher des épis. »

            Tout commence par une promenade tranquille, comme on le fait, en famille, le jour du sabbat. Jésus marche devant, avec l’un ou l’autre de ses disciples ; les autres suivent joyeusement. Ils viennent à traverser un champ de blé. Dans un geste spontané, insouciant, machinal, les disciples arrachent quelques épis, les froissent dans leurs mains et en grignotent les grains. Mais ils sont observés de loin par les pharisiens, qui en sont scandalisés. En effet, glaner est interdit le jour du sabbat, car ce geste est assimilé au travail des moissonneurs ! Plusieurs pharisiens viennent au-devant de Jésus et protestent vivement :

            v. 24 : « Les pharisiens lui disaient : “Regarde ce qu’ils font le jour du sabbat ! Cela n’est pas permis ! ” ».

            Voilà ce qui caractérise l’esprit pharisaïque : ce qui compte c’est la réalisation matérielle d’une prescription juridique ; faire ce qui est permis ; ne pas faire ce qui est défendu. On est stupéfait de constater à quel point Dieu est devenu absent de toutes ces obligations ! Les pratiques que l’on s’impose ne servent qu’à se justifier soi-même et à se croire meilleur que les autres, en se permettant de les juger et même de les condamner !

À nouveau Jésus se trouve dans l’obligation de défendre ses disciples. Ils viennent de violer le repos absolu du sabbat : ils n’ont pas respecté pas la Loi ! Il va être difficile de prendre leur défense !

            Pas du tout ! C’est au contraire une superbe occasion pour Jésus de faire une importante mise au point en recentrant vers la glorification de Dieu tous les gestes et toutes les obligations de la religion. Le Dieu de Jésus n’est pas le Dieu tatillon du “permis” et du “défendu” ; il est le Dieu de l’Amour ! Il n’est pas un Dieu qui enferme, mais un Dieu qui libère !

            Sa réponse est d’une audace inouïe : il ose justifier ceux qui transgressent la Loi, en s’appuyant même sur un texte de l’Écriture Sainte :

            v. 25 : « Jésus leur répond : “N’avez-vous jamais lu ce que fit David, lorsqu’il fut dans le besoin et qu’il eut faim, lui et ses compagnons ?” »

            v. 26 : « Au temps du grand prêtre Abiathar, il entra dans la maison de Dieu et mangea les pains de l’offrande que seuls les prêtres peuvent manger, et il en donna aussi à ses compagnons ».

            La réponse de Jésus coupe le souffle à ses adversaires : il s’appuie sur l’Écriture et sur la haute estime qui entoure David, pour montrer qu’en cas de nécessité l’homme l’emporte sur la Loi (1 S 21,2-7). Il prend ainsi, une fois de plus, la défense de ses disciples. Jésus est venu nous libérer, non nous asservir !

Arracher des épis quand on a faim, quel mal y a-t-il ? Voilà ce que veut dire Jésus en invoquant l’Écriture. La faim, ce besoin légitime de l’homme, peut autoriser ce qui, en d’autres circonstances, serait interdit par la Loi. C’est ce que fit David, au temps du grand prêtre Abiathar.

La démarche de David avait toute l’apparence d’une transgression sacrilège. David, chef de bande, (David était poursuivi par Saül ; c’était avant d’être intronisé comme roi), rentre avec ses gardes, dans le sanctuaire de Nov. Sur la table sainte sont disposés rituellement, en deux piles de six, les douze Pains de l’Offrande, qui représentent symboliquement la présence permanente des douze tribus d’Israël devant le Seigneur. Aucun laïc ne pouvait toucher à ces pains sacrés. Chaque Sabbat, ils étaient renouvelés ; et les pains anciens étaient mangés sur place par les prêtres. Or voilà que David et sa bande, affamés, demandent au prêtre Abiathar de leur donner de ces pains. Le prêtre y consent, parce qu’il n’y a pas d’autres pains que ces pains sacrés. Et Jésus approuve la demande de David et le geste du prêtre. Et il justifie ce fait simplement parce que « des personnes avaient faim ». Au nom d’un simple « besoin humain », un homme a le droit de transgresser une loi cultuelle. La nécessité l’emporte sur une loi positive, si nette soit-elle.

Jésus, à travers ses paroles, affirme simplement, que les temps nouveaux ont commencé et que le Messie est là. Une autre manière de se comporter va nécessairement apparaître, au grand scandale des Pharisiens…

v. 27 : « Il leur disait encore : “La sabbat a été fait pour l’homme, et non pas l’homme pour le sabbat”. »

v. 28 : « Voilà pourquoi le Fils de l’homme est maître, même du sabbat ».

Cette affirmation (v.27) dans la bouche de Jésus est propre à Marc ; elle a pu être dictée par Pierre. C’est une formule révolutionnaire, assez scandaleuse pour son temps. Jésus renverse la morale traditionnelle de ses contemporains ! Il affirme haut et fort que toute « Loi », qu’elle vienne de Dieu ou des hommes, est d’abord au service de l’homme ! C’est une formule révolutionnaire dans ce sens que ce n’est pas ce qui est vécu et pensé par la majorité de ses contemporains, pour qui la Loi est un impératif absolu.

Dans le dernier verset (v.28), Jésus enfonce encore le clou : c’est même un coup de “masse” : il affirme avoir autorité (« je suis maître ») sur une institution dont l’origine était tenue pour remonter à Dieu même (Gn 2,1-4a)… Évidemment, cela ne peut que crisper davantage ses ennemis !

« Mais quel est donc cet homme ? »

Ce dernier verset (v.27) constitue le « sommet » vers lequel le récit conduisait le lecteur depuis le (v.10). Jésus, qui se désigne sous le titre de « Fils de l’homme », jouit d’une liberté souveraine ; il connaît intimement la volonté de Dieu, par-delà les préceptes écrits. Il libère les consciences devant les exigences excessives d’une loi. En ce sens, il est Seigneur et Sauveur.

Publié dans MARC

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