Mc 1,9-11 LE BAPTÊME DE JÉSUS CHRIST, FILS DE DIEU

Publié le par GITANS EN EGLISE

Mc 1,9-11 : LE BAPTÊME DE JÉSUS CHRIST, FILS DE DIEU

( voir aussi Matthieu 3,13-17 ; Luc 3,21-22 )

 

            v. 9 : « Or, à cette époque – l’époque où Jean baptisait dans le Jourdain – Jésus vint de Nazareth, ville de Galilée, et se fit baptiser par Jean dans le Jourdain. »

Un homme seul vient se joindre discrètement à la foule de ceux qui arrivent de Judée et de Jérusalem (v.5) pour écouter Jean le Baptiste, au bord du Jourdain, et se faire baptiser ; mais cet homme ne vient pas du même endroit, il arrive de Nazareth en Galilée (v.9). Or, venir de Nazareth et de Galilée est nettement moins bien que de venir de Jérusalem et de Judée ! Jérusalem et la Judée représentent la fleur du Judaïsme et d’Israël ; la Galilée est un pays très mélangé : il y a des Juifs mais aussi des païens et, entre les deux, des Samaritains. C’est un pays religieusement impur, mêlé ; les Judéens n’ont pas beaucoup d’estime pour les gens de la Galilée. D’ailleurs, ils ne sont pas « tous venus » à Jean : le texte dit que Jésus est venu de Nazareth, en Galilée, tandis que « tout le pays de Judée », « tout Jérusalem » est venu se faire baptiser. L’évangéliste Jean rapporte même, dans une autre circonstance, le propos de Nathanaël : « De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ? » (Jn 1,46).

Voilà donc par quels mots, plutôt modestes, Jésus est présenté au début de l’Évangile de Marc : on ne sait encore rien d’autre de lui. Il vient seul, se mêle à la foule et fait comme tout le monde. Par saint Luc (3,23), on saura qu’il avait environ 30 ans.

Un détail intéressant est encore à noter : le texte dit (v.5) que les habitants de Judée et de Jérusalem « se faisaient baptiser en reconnaissant leurs péchés » (v.5). Or, de Jésus, le texte ne nous dit rien de semblable : il n’est pas écrit que Jésus reconnait ses péchés, mais simplement qu’il se fait baptiser par Jean (v.9). Pourquoi ce pèlerin de Galilée, venant d’une région impure, ne confesse-t-il pas ses péchés ? Le texte ne le dit pas. Mais ce silence veut sûrement dire quelque chose. En tout cas, tout de suite il interroge : qui est donc cet homme qui n’est pas comme tout le monde ?

            v. 10 : « Au moment où il sortait de l’eau, Jésus vit le ciel se déchirer et l’Esprit descendre sur lui comme une colombe ».

Des trois synoptiques, Marc est le seul à formuler ainsi l’événement unique que Jésus vient de vivre, en utilisant une image qui fait partie du vocabulaire apocalyptique. L’expression prend tout son sens si on l’éclaire par des passages du livre d’Isaïe : le Seigneur y est invoqué comme un Père qui guide son peuple par son Esprit, et on le supplie de « déchirer les cieux » et de « descendre » :

Isaïe 63,11 : « Son peuple alors se rappela les jours du temps de Moïse : “Où est celui qui fit remonter de la mer le pasteur de son troupeau ? Où est celui qui mit en lui son Esprit Saint ? » Jésus remonte aussi du Jourdain et l’Esprit descend aussi sur lui. Jésus apparaît donc déjà, entre les lignes, comme un nouveau Moïse !

Isaïe 63,15-19 : « Regarde et vois depuis le ciel… Tes tendresses pour moi ont-elles été contenues ? C’est que, notre Père, c’est toi ! Abraham en effet ne nous connaît pas ; Israël ne nous reconnaît pas non plus ; c’est toi Seigneur qui est notre Père, notre Rédempteur, depuis toujours… Pourquoi nous laisses-tu errer loin de tes voies ?... Nous sommes depuis longtemps ceux que tu ne gouvernes plus et qui ne portent plus ton Nom… Ah ! si tu déchirais les cieux et si tu descendais ! ». C’est précisément ce qui vient de se passer au moment même où Jésus sortait de l’eau.

Pour une conscience juive, gonflée d’espérance, les cieux ouverts au baptême, inaugurent les temps messianiques et annoncent un nouvel Exode avec l’Alliance dans l’Esprit. Mais Marc a soin de nous préciser : ce qui est attendu par tout le peuple est réservé à Jésus seul, du moins pour l’instant : « Jésus vit le ciel se déchirer » (v.10). Ni la foule présente, ni Jean le Baptiste lui-même ne se rendent compte de ce que Jésus voit et de ce qu’il va entendre. On comprend mieux dès lors, que Jean-Baptiste, déjà emprisonné, puisse envoyer ses disciples demander à Jésus : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » (Mt 11,3 ; Lc 7,20).

Jésus est présenté ici, dans la catéchèse d’après Pâques, comme le nouveau Moïse, chargé d’inaugurer un nouvel Exode ; il est le nouveau Pasteur du Peuple des Sauvés. Le « déchirement » du ciel montre que, désormais, en Jésus Christ, une communication est établie entre le ciel et la terre, une communion entre Dieu et son Peuple. Le Ciel, irrémédiablement séparé de la Terre, est une façon traditionnelle de marquer la transcendance divine. Spontanément on pense aux paroles de Jésus à Nathanaël ; « Vous verrez le ciel ouvert et les Anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme » (Jn 1,51).

v. 11 : « Du ciel une voix se fit entendre : “C’est toi mon Fils bien-aimé ; en toi j’ai mis tout mon amour »

Pour Marc et l’Église de Rome, cette vision et cette voix ont eu pour Jésus, dans sa conscience d’homme, l’importance de toute vocation prophétique (Isaïe 6 ; Jérémie 1) : et l’on pense aussitôt à ce premier appel qui caractérise la vocation du prophète Ézéchiel : « Alors que je me trouvais parmi les déportés, au bord du fleuve Kébar, le ciel s’ouvrit et je vis des visions divines… Un esprit vint sur moi… Alors j’entendis celui qui me parlait : « Fils d’homme, je t’envoie vers les fils d’Israël… » (Ez  1,1-3 ; 2 ;1-3).

Selon Marc, le baptême est pour Jésus l’occasion d’un phénomène mystique comparable à la vocation d’un prophète. Mais il y a ici plus qu’un prophète ! La voix qui déchire les cieux et qui s’adresse à Jésus lui dit ceci : “C’est toi mon Fils bien-aimé ; en toi j’ai mis tout mon amour”. Le qualificatif « bien-aimé » situe Jésus au-dessus de tout autre qui pourrait se réclamer d’être fils ; et l’on a remarqué que dans la traduction de l’hébreu au grec, ce mot équivalait souvent à « fils unique »… Plus précisément, ce mot nous oriente vers Isaac, « fils unique, bien-aimé d’Abraham » (Gn 22,2). Jésus sera par rapport au Père, ce que fut Isaac, par rapport à Abraham, obéissant jusqu’à la mort (Ph 2,8).

En même temps ce verset 11 évoque un autre texte d’Isaïe 42,1 : « Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu que j’ai moi-même en faveur, j’ai mis mon Esprit sur lui. Pour les nations il fera paraître le jugement… ». Jésus est aussi ce « Serviteur » en qui Dieu s’est complu, c’est-à-dire qui a toute sa faveur ; et qui livre sa vie en rançon pour les multitudes (cf. Mc 9,12 ;  Mt 8,17 ; Hé 2,10). Jésus est déjà apparu comme le nouveau Moïse ; il apparaît maintenant comme le vrai Serviteur du Seigneur, qui se présente à nous comme plus puissant que Jean.

Ainsi se dessine, dès le baptême au Jourdain, ce que sera le profil spirituel de la vie de Jésus, et la manière dont il se manifestera comme Fils, un Fils obéissant jusqu’à la mort et la mort de la croix (cf. Mc10,38 ; Lc 12,50). « Tout Fils qu’il était, il a appris par ses souffrances l’obéissance, et conduit jusqu’à son propre accomplissement, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent cause de salut éternel » (Hé 5,8).

Le baptême de Jésus par Jean est un fait certain. Jamais il ne serait venu à l’esprit des premiers chrétiens de l’inventer, Jésus paraissant se placer en dessous de Jean !

La révélation de Dieu à Jésus est un fait invisible. Cieux, colombe, voix, sont des expressions bibliques pour décrire ce qui s’est passé en Jésus : une extraordinaire illumination intérieure.

L’illumination intérieure de Jésus est un fait capital, non seulement pour marquer que Jésus est plus puissant que Jean, mais surtout pour nous révéler ce que fut le secret de Jésus.

Jésus est véritablement un homme, d’une authentique humanité, solidaire de son peuple, de ses joies, de ses espoirs, de ses tristesses, de ses angoisses…

Jésus est néanmoins un homme pas comme les autres : il a vu les cieux se déchirer, c’est-à-dire qu’il a eu la pleine révélation du mystère de Dieu ; il a vu l’Esprit comme une colombe descendre vers lui (la colombe du déluge est signe de paix, Gn 8,8-12). Jésus est donc saisi par l’Esprit prophétique pour apporter la paix à tous les hommes. Il est le Fils, le bien-aimé : d’une manière absolument unique, et il est envoyé vers tous les hommes pour leur dire que Dieu est leur Père et qu’il les aime. Cette mission ne pouvait faire de Jésus qu’un homme heureux ! Jésus est prêt à proclamer la Bonne Nouvelle du Bonheur !

Publié dans MARC

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