Mc 9,2-10 LA TRANSFIGURATION DE JÉSUS

Publié le par GITANS EN EGLISE

Mc 9,2-10  LA TRANSFIGURATION DE JÉSUS

( voir aussi Matthieu 17,1-9  et  Lc 9,28-36 )

 

Après avoir promis à des disciples que « certains ne connaîtront pas la mort avant d’avoir vu le Règne de Dieu venir avec puissance », Jésus emmène avec lui Pierre, Jacques et Jean qui n’auront dû attendre que six jours pour faire l’expérience annoncée par leur maître.

v. 2 : « Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux. »

« Six jours après », c’est la durée classique des préparations divines (cf. Moïse au Sinaï : Ex 24,16).

« Pierre, Jacques et Jean…   » : Ces trois apôtres ont déjà été choisis par Jésus pour assister à la résurrection de la fille de Jaïre (Mc 5,37) ; ce seront encore eux qui accompagneront Jésus lors de son agonie (Mc 14,33). Ces trois moments de la vie de Jésus ont ainsi une certaine correspondance. Marc nous introduit peu à peu dans le grand mystère. On n’entre dans la gloire que par le don de sa vie. La scène qui va s’offrir à leurs yeux n’aurait-elle pas pour but de les éclairer sur le sens de la première annonce de la Passion, en laquelle est affirmée la nécessité pour Jésus, le Messie discerné par Pierre (8,29), de souffrir et de ressusciter ?

« Eux seulsà l’écart… » : On pressent une révélation réservée à des privilégiés.

« Sur une haute montagne » : c’est le lieu biblique des manifestations divines parce qu’il symbolise en même temps la terre et le ciel. C’est là que se situent les rendez-vous entre Dieu et les hommes : Dieu descend tandis que l’homme monte. La montagne évoque le mont Sinaï où Dieu a communiqué sa loi à Moïse. Celui-ci en est descendu le visage rayonnant (Ex 34,29-35). Sur cette même montagne (Horeb), Élie a lui aussi, rencontré Dieu en se voilant le visage (1 R 19,1-13).

La Transfiguration se déroule sur une montagne parce que les trois disciples qui accompagnent Jésus vont découvrir quelque chose du mystère de Dieu en la personne de Jésus. On visite le mont Thabor comme lieu de la Transfiguration ; l’Évangile ne le précise pas. Il semble que le mont Hermon réponde mieux à la description de cette “haute” montagne (le Thabor n’est qu’à 300m au-dessus de la plaine ; le mont Hermon culmine à 2760m), et au cadre géographique où semble se situer la scène : apparemment Jésus est toujours en dehors des frontières de la Galilée, dans la région de Césarée de Philippe, “six jours” après la profession de foi de Pierre.

« Il fut transfiguré devant eux » : ou plus exactement « métamorphosé », c’est-à-dire, qu’il prit une « autre forme ». Il s’agit bien d’une anticipation de la gloire de la résurrection. C’est l’être divin qui transparaît en Jésus. C’est le temps de l’éblouissement. Le verset suivant va tenter naïvement de décrire ce qu’ils ont vu.

« v. 3 : « Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. »

Ce qui a frappé les Apôtres, témoins de cette manifestation fugitive de la gloire de Dieu, et de Pierre en particulier qui l’a transmise à Marc, c’est la blancheur supraterrestre des vêtements de Jésus, que l’on retrouvera au matin de la résurrection (Lc 24,4). « Dieu est lumière » (1 Jn 1,5) et par Jésus, « la vraie Lumière est venue dans le Monde » (Jn 1,9) jusqu’à pouvoir affirmer : « Je suis la Lumière du Monde » (Jn 8,12). Jésus leur apparaît dans une vision de lumière éblouissante que l’Ancien Testament appelle la « gloire » de Dieu (Ex 24,16), dont Moïse a fait l’expérience en descendant du Sinaï : « la peau de son visage était devenue rayonnante parce qu’il avait parlé avec Dieu » (Ex 34,29). On retrouvera cette lumière lors de la conversion de Saul sur le chemin de Damas : « Une lumière venant du ciel l’enveloppa soudain de sa clarté » (Ac 9,3).

v. 4 : « Élie leur apparut avec Moïse, et ils s’entretenaient avec Jésus »

Les trois apôtres, en atteignant le sommet de la montagne, ont vraiment basculé dans le monde de Dieu. La scène dont ils sont les témoins n’appartient pas à l’univers terrestre qui leur est familier : la blancheur des vêtements, comme on vient de le voir, et maintenant la présence de personnages du passé qui dialoguent avec Jésus comme des contemporains : cela signifie qu’ils sont en dehors du temps et de la durée des hommes. Tout ici est céleste : la montagne, la lumière, les personnages…

Moïse et Élie représentent la Loi et les Prophètes, par conséquent toute la révélation divine contenue dans l’Ancien Testament. Ils témoignent que Jésus est l’aboutissement d’un dessein de Dieu qui donne son sens à l’Histoire du monde et qui s’accomplira. Jésus parle avec eux : il acquiesce à ce dessein de Dieu qui le concerne et qui culmine dans sa mort et dans sa résurrection. Jésus apparaît ainsi en gloire au terme et au sommet de l’Histoire : alpha-oméga, premier-dernier, principe-fin (Ap 22,13).

v. 5 : « Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : “Rabbi, il est  heureux que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie ».

v. 6 : « De fait, il ne savait que dire, tant était grande leur frayeur ».

« Rabbi » signifie « mon maître ». On donnait parfois ce titre aux scribes. Le mot désignera plus tard les responsables de la communauté juive, les rabbins.

La dimension céleste de la scène est évidente et Pierre, avec une logique toute humaine, cherche à la faire durer : « Il est heureux que nous soyons ici ». Mais ses critères, trop humains, s’avèrent illusoires. Certes, la scène, centrée sur Jésus, révèle bien qu’il y a quelque chose en commun avec Dieu, puisqu’il perd son apparence humaine et dialogue naturellement avec des êtres, comme Moïse et Élie, qui sont déjà entrés dans le monde de Dieu. Mais Jésus ne représente pas l’univers de Dieu comme le voudraient Pierre et à travers lui, le peuple juif, et sans doute les hommes en général… Marc explique clairement que Pierre a parlé sous l’emprise de la peur et qu’il a dit n’importe quoi ! Il a parlé le langage de la chair et Dieu lui-même lui fait comprendre en mettant fin à la clarté éblouissante de la vision…

v. 7 : « Survint une nuée qui les couvrit de son ombre et de la nuée une voix se fit entendre : “Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le” ».

Pierre voudrait s’installer définitivement dans cette lumière céleste, mais le temps des hommes suppose la durée, et doit rester un temps où se mêlent lumière et obscurité : « Survint une nuée qui les couvrit de son ombre ». Une nuée qui vient interrompre le spectacle et enveloppe indistinctement tous les personnages. Le temps du clair-obscur reste la condition naturelle de l’homme. Jésus transfiguré redevient l’homme incarné qui doit poursuivre sa mission. Une voix venue du ciel donne le vrai sens de la scène : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le ! ». Par la voix du Père, Jésus est proclamé visage de Dieu parmi les hommes, celui qu’il faut contempler et surtout écouter, même quand il dit qu’il va souffrir et mourir et ressusciter : c’est vrai ! Il faut L’écouter. La Parole du Père vient authentifier l’enseignement de Jésus.

v. 8 : « Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux ».

v. 9 : « En descendant de la montagne, Jésus leur défendit de raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts ».

v. 10 : « Et ils restèrent fermement attachés à cette consigne, tout en se demandant entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d’entre les morts ».

Il faut maintenant redescendre dans la plaine, et dans les difficultés de la condition humaine : il va falloir reprendre le chemin vers la croix, dans la nuit, en suivant Jésus.

Les apôtres sont invités à faire silence « jusqu’à ce que le Fils de l’homme ressuscite d’entre les morts ». Pourquoi attendre la résurrection ? Parce que l’événement pascal dévoile dans la clarté le vrai visage de Jésus, Fils du Père.  Mais la résurrection n’est intelligible que comme résurrection du crucifié. Mort et résurrection sont donc inséparables.  La scène de la transfiguration qui anticipe le mystère de la résurrection doit rester cachée, car elle reçoit sens par la défiguration et la mort de Jésus. Ce sont les mêmes trois disciples qui assisteront à l’agonie de Jésus au jardin des Oliviers. Mais là ils contempleront la face obscure du mystère de Jésus, la défiguration sans laquelle il ne saurait y avoir de transfiguration.

Marc dit ici la foi de Pâques. Au moment où il écrit, Jésus est ressuscité d’entre les morts et ses disciples l’ont reconnu comme le Fils du Père, comme l’envoyé de Dieu, celui qui accomplit la Loi et les Prophètes. La transfiguration vécue par Pierre, Jacques et Jean, annonce l’éblouissement de Pâques.

Les communautés chrétiennes vivent maintenant avec le Ressuscité, mais sans éblouissement, en vivant l’Évangile. Elles ont les Écritures (Moïse et Élie), elles se souviennent de ce qui s’est passé avec les disciples de Jésus, elles ont la parole de Jésus.

Les chrétiens vivent aussi dans l’attente de leur éblouissement, lors de leur résurrection des morts. Marc invite ses lecteurs à tenir bon dans leur foi. Qu’ils se reportent aux Écritures et à ce qu’ont vécu les disciples avec Jésus. Ils savent qu’avec la résurrection de Jésus tout est changé et cependant ils restent encore dans l’ombre en attendant leur propre éblouissement. Pour l’instant, ils ont à vivre l’Évangile.

Seigneur, dans la nuée et dans l’ombre où nous sommes souvent, donne-nous la lumière de ta Parole !

Publié dans MARC

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